Arkania's Library : Prose (La Prisonnière)

La Prisonnière
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PREMIÈRE PARTIE : PRISONNIÈRE

    Ces murs blancs... blancs comme un parterre de neige, mais que le soleil manque d’illuminer de mille petites étincelles merveilleuses... blancs comme une vieille feuille de papier oubliée dans un coin... ternes... Au milieu de ce décor dénué de vie, je suis là, seule, triste, vide... Une seule pensée persiste dans mon esprit torturé ou plutôt... Des bribes de souvenirs viennent me hanter dans mes rêves lorsque je ferme les yeux... C’est toi... Je ne sais plus ni ton nom, ni qui tu es, je me rappelle seulement de tes yeux, si profonds, et de ton sourire, si envoûtant,... mais surtout du goût délicieux de tes baisers... Seuls ces souvenirs me maintiennent liée à ce monde où le sort s’acharne contre moi et retiennent le mince souffle de vie qui m’habite encore...
    Ma vie... Tout ce qui précède ces quatre murs couleur désespoir s’est envolé, effacé, retourné à l’oubli... Même la raison de ma présence ici m’échappe maintenant, ou alors... n’ai-je peut-être jamais vraiment su... Depuis combien de temps suis-je ici, seule ? Je ne saurais le dire... Un an ? Une éternité me paraîtrait plus juste...

    La jeune femme s’était éveillée les idées brouillées, les yeux gonflés par les larmes, au milieu de ses draps blancs. Des songes l’avaient encore troublée cette nuit-là, comme toutes les autres... et au réveil, ne restait d’eux que ces larmes sillonnant ses joues pâles. Elle s’était assise, redécouvrant comme à chaque fois l’univers monotone, à la clarté toujours égale, dont elle ne pouvait s’échapper... Comme à son habitude elle avait effectué une toilette sommaire en attendant la nourriture qui passait par le petit monte-charge dans le mur. Un plateau, semblable à celui des autres jours, s’était présenté, soutenant ce mélange grisâtre au goût neutre dans son habituelle coupe de porcelaine blanche, ainsi que le verre d’eau... Mais cette fois-ci, quelque chose avait attiré son attention, quelque chose qui allait changer son existence... En dessous de la coupe était posée un livre à la reliure riche et mystérieuse. Elle l’avait saisi avec délicatesse malgré l’excitation provoquée par ce phénomène brisant la monotonie de sa vie. Elle l’avait trouvé si merveilleux qu’elle avait à peine osé le retourner pour le contempler de tous côtés. Après un examen minutieux, elle l’avait ouvert encore émerveillée par sa beauté. Mais lorsque cette couverture qui l’avait tant réjouie s’était ouverte sur des pages aussi blanche que les murs, la déception l’avait submergée... C’est alors que, se laissant glisser au sol, abattue, elle avait découvert, toujours posé sur le plateau, le stylo qui y reposait, comme une promesse. Le saisissant, elle s’était installée sur son lit et, ouvrant le livre, avait contemplé les pages vides, se remémorant l’écriture...

    Écrire... J’avais oublié ce que c’était, un moyen, le seul pour moi, de retenir ces pensées, si pressées de s’enfuir à peine apparues... Je suis heureuse de pouvoir enfin immortaliser mon amour pour Toi, la seule chose qu’il me reste, car c’est lui qui m’aide à m’éveiller à nouveau à chaque fois, et ainsi ne t’oublierai-je peut-être pas comme le reste...

    Le sommeil fut long à venir... Elle aurait tant voulu écrire et écrire sans fin pour remplir ces pages tristes, mais les souvenirs la fuyaient dès qu’elle les effleurait... Pourquoi lui avait-on permis l’écriture puisqu’elle n’avait rien à écrire ?  Était-ce une nouvelle forme de torture inventée par ses geôliers à qui l’isolement ne suffisait plus ?

Deuxième jour.
    Je me sens toujours mieux au réveil, mes pensées encore pleines d’amour pour toi. Cette nuit, tu m’es apparu, auréolé d’une lumière douce, presque divine ! Et tu m’as enlevée, libérée de cette cage d’hiver ! C’était si beau, si bon... Aujourd’hui, l’idée de te revoir un jour, m’ouvrant les bras pour que je m’y sente aimée, m’a redonné un peu de cet espoir que j’avais perdu !


    La jeune femme tournait en rond dans cette prison sans issue, cherchant de bonnes raisons, ou même des mauvaises à défaut, de garder le peu d’espoir retrouvé par ce rêve magique. Mais tout semblait l’abandonner et ses efforts restèrent vains... Épuisée et ses pensées s’emmêlant, elle s’assoupit...

Troisième jour.
    Tu ne viendras jamais... peut-être n’existes-tu même pas... Ces murs m’exaspèrent ! Et c’est entre eux que va finir cette misérable vie qu’est la mienne ! Personne ne m’aidera, personne ne m’aimera non plus... Je suis seule et le serai toujours...
    Ce journal est une torture ! Il ne sert à rien ! À RIEN ! JE NE SUIS RIEN MOI-MÊME ! Simplement un esprit vide dans un corps qui ne demande qu’à mourir...

    La prisonnière reprit sa vie monotone : dormir, manger, attendre, manger, attendre encore, sombrer dans le sommeil libérateur... Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, délaissant, là où elle l’avait jeté avec rage, le seul objet capable de la faire revivre. Elle se sentait encore plus vide et anéantie qu’avant, ne voulant croire à une libération prochaine, ni même à une raison de vivre. Les heures passèrent... Puis les jours, aussi lents que des années...

***

    La jeune femme dormait d’un sommeil agité, remuant ses draps, ses cheveux blonds s’éparpillant sur l’oreiller, elle rêvait... Soudain, elle se redressa sur son séant, sauta sur ses pieds au bas du lit et saisit le journal abandonné...

Treizième jour.
    Je reprends ce récit trop longtemps laissé de côté... Cette nuit, des images me sont venues, comme toutes les nuits avant elle... Mais cette fois-ci, elles étaient présentes avec une telle netteté à mon réveil !
    Un palais dans une clairière, ses drapeaux flottant au souffle d’une brise légère en haut des tourelles et, sur la terrasse, Toi ! Beau, grand... Tu agites la main pour me faire signe, un sourire charmant sur tes lèvres douces !
    Mais soudain tout s’assombrit ! La forêt environnante devient sombre marais et les drapeaux, gargouilles aux grimaces horrifiantes ! Un énorme dragon rouge comme le sang se pose terrifiant devant moi, m’interdisant l’accès au pont-levis, à toi... Levant mes yeux pour chercher le réconfort dans ton regard, je sens mon coeur s’arrêter ! Ton beau visage angélique et aimant s’est orné d’un ricanement malsain, une haine perfide au fond de tes yeux presque noirs ! « Pourquoi ? » Je crie ! Je hurle ! Mais tu ne réponds pas ! Soudain, d’un geste, tu lances la bête contre moi... Tu n’as pas hésité...
    Je me suis réveillée en sueur, les cheveux collés au visage, frissonnante de peur et d’horreur, mais au milieu de ce malaise, une pensée s’est imposée à moi ! Je n’ai commis aucun des atroces crimes que j’avais imaginés pour justifier ma présence en ces lieux clos ! Mais toi ? Qui es-tu ? Dis-le-moi ! Je t’en prie mon amour, dis-moi que je me trompe et que je peux t’aimer !...

    Perdue dans les limbes du sommeil, la jeune femme se voyait enfant... Une obscurité, écrasante et terrifiante pour un si petit être, l’entourait. Mais ce n’était pas tant le noir qui lui faisait peur que la lumière qui annoncerait douleur. Soudain, cette clarté tant redoutée l’aveugla ! Une ombre s’y profila brandissant un bras menaçant ! Elle tremblait de peur, se recroquevillant, aussi bien la femme endormie que l’enfant apeurée, cherchant à échapper à ce mal. La jeune femme s’éveilla subitement, chassant par là-même la douleur promise.

Quinzième jour.
    Les rêves que je fais ces derniers temps contrastent étonnamment avec ceux d’avant où tu étais là, aimant. Cette fois, personne n’était là pour m’aimer et me protéger... J’avais été rejetée... Comme je le suis aujourd’hui...
    Je crois que de mes rêves viendront les réponses... Ils rappellent des souvenirs profondément enfouis en moi... Que vais-je découvrir ? Ai-je vraiment envie de savoir ?

Seizième jour.
    J’ai cinq ou six ans... peut-être sept... dans un parc... des arbres, des fleurs, ça sent délicieusement bon ! C’est le moment charnière entre le printemps et l’été... Les fruits commencent à alourdir certains arbres alors que d’autres sont encore couverts des couleurs chatoyantes de leurs fleurs... Des oiseaux virevoltent de-ci de-là, emplissant le jardin de leurs chants mélodieux.
    Je suis seule, je me suis échappée en douce, personne n’a remarqué que j’étais partie... Ils ne remarquent jamais ! Je marche dans cette étendue verdoyante. Sur un rocher, un vieil homme... Une longue barbe blanche descend de son menton, seul ornement sur sa tunique, blanche également. Il me fait signe d’approcher et de m’asseoir près de lui. Une telle aura charismatique se dégage de lui que je lui obéis, sans hésitation, ni peur... Il me parle, mais ses mots restent inintelligibles à mes oreilles... Lorsque je l’interroge, il me répond simplement : « Ta destinée...»
    Puis l’on appelle. C’est mon nom, je le sais, mais à peine entendu s’en est-il déjà retourné au fin fond de ma mémoire oubliée... Je me retourne, répondant à l’appel, mais ma curiosité d’enfant m’incite à regarder à nouveau ce vieil homme étrange... Il a disparu ! Tout devient blanc, je tombe... mais je me sens bien, si bien... Soudain ! Le choc ! J’ouvre les yeux...
    Que veulent dire ces songes ? Ma destinée ? Quelle destinée ? Que puis-je donc bien accomplir, moi, seule, prisonnière de cette cage aux parois blanches ? Mais Toi dis-moi ? Tu connaissais ma destinée n’est-ce pas ?
    DIS-MOI QUI JE SUIS !!
    Dis-moi mon amour...
    Je t’en supplie...


    Criant sa prière à cet homme qu’elle aimait, aussi loin fut-il, sans le connaître, elle s’effondra dans ses draps, secouée de sanglots, des larmes inondant ses joues...

***

    La prisonnière s’éveilla, un sentiment de bien-être l’envahissait sans qu’elle en comprenne la cause... Elle décida d’une toilette plus approfondie et nettoya ses cheveux, collés en mèches par la transpiration des rêves des nuits précédentes... Combien de nuits ? Elle ne savait plus trop... Elle tressaillit en passant sa tête sous l’eau froide, mais cette morsure la relaxa, accentuant sa bonne humeur si rare. Peignant sa chevelure blonde, elle vit le monte-charge apporter sa nourriture et se demanda soudain où il menait. Qu’y avait-il de l’autre côté ? Sondant le trou béant alors que le monte-charge redescendait, elle ne distingua rien dans l’obscurité opaque.
    Allongée sur son lit, regardant le plafond sans le voir, la jeune femme était hantée par cette question qui ne cessait d’occuper la moindre de ses pensées. Y avait-il quelqu’un de l’autre côté ? Pourrait-elle communiquer ? Apprendre tout ce qu’elle brûlait de savoir depuis si longtemps ?
    Après des heures interminables d’interrogation, elle sombra enfin dans un sommeil apaisant, pourtant empli d’images.

Vingt-et-unième jour.
    Il fait nuit, l’ouverture du mur semble m’inviter et, y ayant curieusement la place, je m’y glisse, accédant par-là à l’entrée d’un couloir étroit. Je parcoure un dédale de galeries obscures, ignorant où je vais, mais avec au fond de moi l’intime conviction que je dois continuer. Soudain j’aperçois au bout du tunnel cette lumière si pure ! Mais si éblouissante ! Et l’ombre réapparaît, menaçante, me barrant la route...
    Qu’y a-t-il à l’autre bout ? Je dois savoir ! Peut-être est-ce toi... Je l’espère de tout mon coeur, mon amour...

    Prise d’une inspiration subite, elle arracha une page de ce livre qu’elle avait tant admiré et saisi son stylo pour y noter un message, mais s’arrêta net, n’ayant aucune idée de ce qu’elle devait écrire...
    Qui était-elle ? Pourquoi était-elle captive ici ? Depuis combien de temps ? Avait-elle une famille ? Des gens qui l’aimaient, l’attendaient ou la pleuraient ? Une chance de sortir un jour ? Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête ! Mais laquelle choisir ? Pourquoi ne pas les mettre toutes ? Non, ce serait trop...
    Finalement, après de longs moments de réflexions et des centaines d’interrogations, elle déposa sur le monte-charge ce message, contenant une simple question : « Y a-t-il encore un espoir ? »


DEUXIÈME PARTIE : EVASION

    Ça y est, aujourd’hui est le jour que j’attends depuis si longtemps, le jour où ma question trouvera réponse. Je n’ose pourtant croire en cet espoir qui s’offre à moi, si tentant...
    Nous avons tout planifié, tout est prêt, je ne devrais pas m’inquiéter ! Mais un doute s’empare de moi... Ne vais-je pas me réveiller en sueur une fois de plus ? Tout ceci est-il bien réel ? Comment en être certaine ?


    D’un bon la jeune femme se leva ! C’était le moment : le monte-charge crissait dans le mur. Saisissant le volume, sa seule propriété, elle se tint prête. Son coeur battait fort dans sa poitrine, menaçant de la faire exploser ! Les secondes lui parurent interminables ! Et si ça n’avait pas marcher ? Et s’il s’était fait prendre ? Il mourrait à cause d’elle ! Non ! Elle ne voulait pas y penser. Elle secoua la tête, tentant de rejeter ses pensées pessimistes. Quand soudain, un déclic retentit, faible, mais semblant à ses oreilles, le bruit assourdissant d’un canon. Une porte s’entr’ouvrit à sa droite. Elle devait l’emprunter, fuir, mais elle se figea. Elle avait peur tout à coup, peur de quitter cet endroit qu’elle connaissait pour le monde infini et inconnu du dehors...
    La tirant de sa torpeur, une déflagration se fit entendre. L’alarme avait été donnée, cela faisait parti du plan, mais elle n’aurait pas dû être encore ici ! Elle s’élança alors, franchissant cette porte sans un regard en arrière, quittant tout ce qui lui était familier. Elle courait, courait plus vite qu’elle ne s’en serait cru capable, elle remonta les couloirs, les larmes l’accompagnant dans sa fuite, perlant à ses paupières. Elle arriva au croisement, stoppa net sa course et regarda autour d’elle les couloirs déserts... “Il aurait dû être là !”  S’affola-t-elle. Que devait-elle faire ? « Cours » c’est ce qu’il avait dit : « Cours si je ne suis pas là ! Sauve-toi ! » Alors qu’elle allait s’élancer, un homme apparut au bout du couloir est.
    - Toi ! s’exclamèrent l’homme et la femme à l’unisson.
    Elle n’en croyait pas ses yeux ! Il était là ! Lui ! Cet homme dont elle rêvait sans cesse, son amour ! Un sourire naissant sur ses lèvres, elle commença à se diriger vers lui, lentement de peur qu’il ne s’efface ! Mais elle aurait dû savoir que ça serait lui, ce mystérieux sauveur !
    Lui ne fit pas un mouvement pour la rejoindre, il ramena ses mains devant lui en prononçant des mots dénués de sens.
    - Mais, que fais-tu mon amour ? demanda-t-elle, accélérant.
    - Attention !! cria soudain une voix qu’elle ne connaissait pas.
    Tournant la tête, la jeune femme aperçut un homme, plus jeune que celui qui se tenait toujours au bout du couloir. Pourquoi lui demandait-il de faire attention ? Elle n’avait rien à craindre... Comme pour le vérifier, elle reporta son regard de l’autre côté...
    - Mais que... ? parvint-elle à murmurer en découvrant soudain la boule d’énergie qui se formait, grossissante, dans les mains de l’homme en face d’elle.
    Celui-ci leva les yeux, un sourire malsain ornant son visage soudain perverti, il cria alors un mot, dans la même langue qu’elle ne comprenait pas, et une lumière aveuglante envahit le couloir ! La fugitive ne put s’empêcher de fermer les yeux, tant la clarté les lui brûlait. Lorsqu’elle les rouvrit, un instant après ce fut pour prendre conscience de ce qui se passait : une boule d’énergie destructrice fonçait droit sur elle...

***


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